Interview with the band on tour in Switzerland
taken from the Swiss e-zine
FRÉQUENCE ROCK, 2001-10-25.
In French. Found at the fréquence rock site.
Le groupe le plus prolixe de Norvège attaque le nouveau millénaire en abandonnant son
rock presque ringard pour une pop habile.
Phanerothyme, leur petit dernier, constitue un
étrange mélange de sonorités classiques, funk, rock, et même jazz. L'exercice est
maîtrisé totalement par un groupe qui s'est attaché à lécher sa production. Motorpsycho
entre ainsi en pleine modernité et invente une nouvelle pop qui rafraîchira bien des
têtes blondes, même si cette fois on sent les quatre vikings parés pour dépasser les
frontières de Scandinavie. Nous sommes donc montés sur le drakkar emmené par Bent
Saether (chant et basse) et Hans Magnus "Snah" Ryan (guitare).
Motorpsycho a vu le jour en 1989 à Trondheim, petite ville de Norvège. Aujourd'hui
vous n'avez toujours pas déménagé. Est-ce le bon endroit pour faire du rock?
C'est le bon endroit pour composer de la musique rock. C'est très calme et il y a très
peu de distractions. C'est très agréable de retrouver un chez-soi tranquille quand tu
reviens de six semaines de tournée. Et puis tu peux vraiment te concentrer sur ton
travail. Pour nous, tout a toujours bien fonctionné, nous n'avons jamais été à cours
d'inspiration à cause de la paix qui nous entoure. Enfin, Trondheim, c'est chez nous...
Briskeby nous a pourtant dit qu'Oslo était une ville bien plus propice pour démarrer
un projet musical. N'avez-vous jamais songé à rejoindre la capitale?
Non, on n'a pas besoin d'être reconnus dans la rue. Laissons le statut de rock star à
Briskeby!
Les gens de Trondheim vous laissent-ils en paix?
Oui, la plupart du temps, sauf quand ils sortent complètement bourrés des bars!
Vous sortez un album par année et parallèlement vous tournez beaucoup, n'arrêtez-vous
donc jamais?
Bien sûr, parfois nous passons quelques mois à ne rien faire, jusqu'à ce qu'on
recommence à écrire des chansons. C'est un cycle: composer, rassembler, enregistrer,
aller sur la route, et prendre des vacances.
Et où trouvez-vous toute cette inspiration?
C'est difficile à dire... Dans tout: ce que tu vois, ce que tu lis, ce qui arrive dans
ta vie...
Votre vie est-elle si intense?
Non, pas vraiment, mais assez pour écrire des chansons. Nous composons tous, ce qui
offre une palette plus large. Ensuite, il faut sélectionner les meilleurs titres.
Pensez-vous que la Norvège soit en train de virer rock?
Sans doute l'establishment norvégien est-il devenu plus compétent. Les bons groupes ont
toujours existé dans notre pays, mais il semblerait qu'aujourd'hui les structures soient
meilleures. Je ne saurais donc dire si c'est la musique qui se bonifie ou si ce n'est
pas la méthode de vente qui est plus affûtée. La Norvège n'a pas une tradition telle que
la Suède, qui a toujours eu une industrie du disque tournée vers
l'internationalisme.
Vivez-vous dans le plus beau pays du monde?
C'est comme la Suisse. Il y a de beaux endroits, et d'autres plus ennuyeux. C'est donc
difficile à dire. C'est la maison... Il y a toute cette nature à laquelle nous portons
peu d'attention car nous restons terrés dans notre petite ville. Nous ne sommes pas des
spécialistes de la grimpe, par exemple.
Venons-en maintenant à votre petit dernier, Phanerothyme. Comment vous est venu ce
titre?
Le mot a été inventé par Elvis Hexley dans les années 50. Il essayait de décrire ce que
nous connaissons aujourd'hui comme étant une expérience psychédélique.
La face positive du psychédélisme...
Exact. Toute la terminologie qui existait auparavant était celle de la CIA, qui combine
toxines, folies et tous les aspects négatifs. Hexley voulait trouver un mot qui
définisse le phénomène dans sa face positive. Mais la CIA a toujours utilisé
"psychédélisme", c'est pourquoi "phanerothyme" n'a jamais été utilisé. C'est pourtant un
mot magnifique.
Vous considérez-vous comme un groupe psychédélique?
Parfois...
Peut-être le dernier album verse-t-il plus dans le psychédélisme...
Oui, en effet. Sans doute est-ce notre album le plus réfléchi, le plus abouti aussi.
C'est toujours un long voyage entre l'essence d'une chanson et son existence. Il faut
chercher et trouver en toi des aspects qui t'avaient toujours échappés, afin de tenter
d'innover. Et ce processus est très connecté à l'expérience psychédélique, puisque
celle-ci te met dans une situation inconnue à laquelle tu dois t'adapter. Nous ne sommes
donc pas un groupe psychédélique, mais le processus de création procède de l'expérience
psychédélique.
Le livret fait très Pop Art, êtes-vous des fans d'Andy Warhol?
Nous n'entretenons pas de fascination particulière pour Warhol. Nous avons quelqu'un qui
s'occupe de nos pochettes depuis 1993 à qui nous faisons entièrement confiance et à qui
nous laissons carte blanche. Il devait être dans une humeur pop lorsqu'il a réalisé ce
livret...
Pourquoi n'y mettez-vous pas les paroles de vos chansons?
Elles sont intégrées à la musique. Ce ne sont pas des poèmes, donc l'auditeur a besoin
de la musique pour le guider à travers les mots. Quand j'achète un CD, j'ai le réflexe
de lire les paroles avant d'écouter la chanson, ce qui dénature l'oeuvre.
Sur cet album, vous utilisez beaucoup de cuivres et de cordes, mais ça sonne toujours
très rock; quel est votre secret?
Nous attachons une grande importance à la production du paysage sonique. La plupart de
nos chansons auraient ressemblé à du Meat Loaf si nous n'avions pas veillé à la
production. Nous faisons attention à véritablement fondre l'orchestration avec le reste.
Parfois, l'instrumentation est légère: on pose des cordes sans que la lourdeur
orchestrale ne se fasse sentir. Il nous arrive aussi souvent d'y mêler un mellotron, ce
qui donne un résultat surprenant. La plupart du temps,nous imaginons les sonorités avant
les premières tentatives. L'orchestration classique s'intègre d'autant mieux à
l'instrumentation rock. La production est donc mûrement réfléchie.
A l'écoute de Phanerothyme, on a l'impression d'avoir à faire à une B.O., tellement
les styles sont mélangés. On passe vraiment d'une ambiance à l'autre. Quelle en fut
l'inspiration?
C'est juste de la musique, on se fiche des styles. Avec nos précédents albums, nous
avons acquis tout un vocabulaire grâce auquel nous apprenons à manier les nuances, à
expliciter les idées. Si un texte parle d'une feuille, par exemple, la chanson ne sera
pas du hard rock!
"B.S.", ça signifie Bent Saether?
Ça peut. Mais ça peut aussi vouloir dire Barbara Streisand ou Bull Shit! C'est juste
intrigant: où est la frontière entre ce que représente Barbara Streisand et ce que je
représente? Où est la différence? On est dans le même business, les gens répondent à
notre travail. C'est une personnalité à laquelle tu réagis, mais qui est-ce? Pourquoi?
Pourquoi je me sens parfois comme une putain de rock star stupide? Cette chanson parle
dans un sens de la recherche de sa propre identité, et dans l'autre de l'envie de jouer
un personnage. Et tous les styles musicaux qui s'entremêlent dans cette composition sont
comme une illustration de cet antagonisme.
La chanson est joyeuse, alors vous êtes heureux...
Peut-être... Mais ça peut aussi être une façade. Je ne sais pas. Certains jours sont
bons, d'autres moins.
Quelles ont été vos principales influences?
Les filles! [Rires.] Musicalement, je ne sais pas. Ravel, Charles Mingus, The Beach
Boys, John Coltrane, c'est large...
Quel est le but de votre démarche musicale?
L'expression personnelle. La musique occupe une bonne part de nos êtres. Il y a quelque
chose de magique là-dedans. Quand tout à coup ça marche, tu comprends le sens de la vie,
qui tu es. Et quand tu oublies ton ego, quand tu te considères comme participant de cet
univers musical, alors tu comprends pourquoi tu as été mis sur cette planète. Ça sonne
profond et stupide, mais c'est vrai, parce que ce phénomène nous dépasse complètement.
Dans un sens, on touche au sacré. J'ai besoin d'être proche de la musique, afin d'être
en phase avec ma vie et avec moi-même.
Comment définiriez-vous votre musique?
Bonne! [Rires.] Je ne sais pas. Pour nous, l'important au moment de donner vie à cet
album était de nous concentrer sur le songwriting. L'industrie du disque a passablement
modifié le songwriting qui est devenu plus formalisé et formaté. Au lieu d'avoir
simplement de la pop, tu as du hard rock, du punk rock, du jazz, de la country, de la
country rock... C'est pas notre truc. Avant, il y avait plus de liberté. C'est ce qu'on
a essayé de retrouver avec Phanerothyme. Le résultat est aventureux, avec plein de
symphonies de poche de la veine de Brian Wilson. On a pu faire ce qu'on voulait pour que
ce soit de la vraie musique pop. On est par contre encore à la recherche de la chanson
pop parfaite.
Tel est votre rêve aujourd'hui?
C'était notre rêve sur cet album, qui sait lequel sera-ce sur le prochain...
Propos recueillis à Bienne par...
Isti