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Une menace de tutelle plane sur la Guilde

Le samedi 14 décembre 2002

Les disques de la semaine


Alain Brunet, Richard Labbé, Frédéric Murphy, Alexandre Vigneault, Marie-Christine Blais, Frédéric Boudreault et Sonia Sarfati
La Presse

The Roots, Phrenology

Dans les multiples recoins de la caboche afro-américaine

La phrénologie est l'étude du caractère, des facultés dominantes d'un individu d'après la forme de son crâne. Cette «science», qui remonte au XIXe siècle, en fait, n'est pas le nouveau credo de Tariq «Black Thought» Trotter, Ahmir «Questlove» Thompson, Leonard «Hub» Hubbard, Kamal, Ben Kenney et Scratch, membres actifs de la célèbre formation de Philadelphie fondée en 1993.

Trois ans après la parution de l'excellent album Things Fall Apart, Phrenology a conduit les Roots à explorer de multiples recoins de la caboche afro-américaine, de l'attrait exercé par l'Islam à la délinquance des laissés-pour-compte, en passant par l'estime de soi dans l'imaginaire black ou même par une vision critique de la culture de masse.

Sans DJ, évitant l'usage abusif des engins numériques, les Rootsforment un des rares groupes à miser d'abord sur des sonorités émanant d'instruments «véritables». À l'instar de groupes qui les ont précédés (A Tribe Called Quest, notamment), les Roots avaient cité prioritairement le jazz, le funk, la soul et le R&B dans leurs premiers albums. Cette fois, le jazz est exclu; on a fait place à une panoplie complète des musiques populaires incrustées dans l'imaginaire afro-américain.

Contrairement aux idées reçues, cet imaginaire comprend non seulement la culture urban (qui désigne les genres généralement associés aux Noirs d'Amérique, par le truchement desquels on a ici associé des invités de choix: Talib Kweli, Jill Scott, Alicia Keys et la Canadienne Nelly Furtado) témoignant d'une connaissance rigoureuse des prédécesseurs (de Erik B & Rakim à Public Enemy), mais aussi la culture électronique (drum'n'bass, breakbeats...) et la culture rock dans plusieurs de ses déclinaisons (références classiques quasi stoniennes, afro hardcore à la Bad Brains, séquences industrielles). On se propose même une certaine recherche électroacoustique. Mais oui!

C'est dire la richesse des Roots, leur capacité de renouveler un genre stagnant depuis quelques années, de s'approprier les références sans dénaturer leur facture originelle. Affirmons que cet opus phrénologique sera un des albums hip hop les plus influents des mois (sinon des années) à venir.

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The Roots, Phrenology, MCA / Universal, CD assorti d'un DVD

Mariah, Mariah, Mariah...

Chère Mariah, on te comprend. Ça n'a pas été facile pour toi dernièrement. Les petites crises dans les journaux ou à la télé, un film qui est passé presque directement en vidéo, un contrat racheté à coup de gros millions par Virgin, les mauvaises langues qui affirment, en te voyant, que les lumières sont allumés, mais qu'il n'y a personne à la maison. Mariah, Mariah, Mariah... On voudrait te dire qu'on t'aime quand même. Ton charmant popotin, tes ballades trempées dans le sirop, tes cris stridents que seuls les bélugas peuvent entendre... Certains vont dire que ton plus récent compact n'est qu'un ramassis de navrants clichés, que tu t'amuses à défigurer la pop un peu plus chaque fois, au point de passer à la tronçonneuse le Bringin' On The Heartbreak de Def Leppard. Mais on ne te jugera point. On sait bien que quand tu te montres en petit haut déboutonné à l'intérieur de la pochette, tu le fais pour des raisons «artistiques». Alors n'abandonne surtout pas, Mariah. Nous sommes là pour toi. Une petite question en terminant: pourrais-tu arrêter de faire des disques?

*
Mariah Carey, Charmbracelet, Monarc / Island / Universal

Ils sont fous, ces Norvégiens

Hors de leur Norvège natale, les trois copains de Motorpsycho sont bien peu connus. Pourtant, It's a Love Cult est leur 12e album, rien de moins. Puisqu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, le moment est venu de mieux apprécier ce groupe scandinave (un autre...) aux influences multiples et aux sonorités intrigantes, qui évolue bien en marge des goûts du jour. On a ici affaire à un tableau éclaté, qui passe de la pop très sixties au jazz et au folk à tendance seventies. Une approche qui rappelle un peu les voisins suédois de Soundtrack Of Our Lives ou certains groupes de Grande-Bretagne, Supergrass en tête. Malgré les références qui abondent, la mouture de Motorpsycho est fort bien tournée, bourrée d'arrangements magnifiques (cordes, theremin, cuivres, Hammond) qui finissent inévitablement par séduire. Pas pour toutes les oreilles, c'est certain, mais un incontournable pour les fanas de pop éclatée.

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Motorpsycho, It's a Love Cult, Stickman / Fusion III

De la pop sereine pour la bande FM

«What If it All means something», suggère Chantal Kreviazuk dans l'une de ses plus récentes compositions, qui fait écho à son engagement humanitaire, avant d'y aller d'un apaisant «I know it all means something». Sur son troisième essai, la lauréate surprise d'un Juno de la meilleure interprète canadienne s'épanche sur sa sérénité nouvelle trouvée au bras de son célèbre mari, Raida Maines, d'Our Lady Peace, entre une visite caritative en Irak, une escale dans une salle de concerts nord-américaine et le cottage californien du couple. L'art de la chanteuse de Winnipeg atteint pareillement ici sa vitesse de croisière, à l'intérieur d'un (trop?) confortable moule radiophonique. L'auditeur en est quitte pour une fournée de ballades ou morceaux mid-tempo où le piano de la belle s'efface derrière les orchestrations béton, mais où sa voix affirme comme jamais sa souplesse et sa puissance. Qu'elle écorche (bien gentiment) le star-system (sur Miss April ou Julia, inspirée de la «jolie femme» du même nom), qu'elle pleure une cousine disparue (Flying Home) ou un amour qui surit (In this Life), Chantal Kreviazuk a toujours une remarque réconfortante pour faire passer le fiel, quand elle ne martèle pas des pensées affirmatives, telles: «I used to carry the weight of the world / And now all I wanna do is spread my wings and fly.» Ces confidences de star sauront sans doute rasséréner le simple mortel entre deux voyages... du bureau à la maison.

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Chantal Kreviazuk, What If It All Means Something, Sony / Columbia

Sabbath pour nos blondes!

Entre nous, on peut bien se l'avouer. Combien de fois, sous le coup d'une incontrôlable montée de testostérone, avons-nous glissé un disque dans le lecteur laser dans l'espoir d'écouter une de ces bonnes vieilles tounes d'Ozzy? Combien de ces fois notre blonde a-t-elle débarqué dans le salon avec ses gros sabots pour demander gentiment (hum!) qu'on baisse le volume? Eh bien, «poils» anciens et actuels, je vous le dis, ce temps est révolu. Des producteurs de disques soucieux de faire régner l'harmonie dans votre couple ont concocté le compromis idéal: un disque de Black Sabbath... version lounge! Ça veut dire Iron Man en pseudo bossa nova, Crazy Train à la Beach Boys, Bark At the Moon en version «croonée», Flying High Again manière Platters ou encore I Don't Know en disco-calypso... Puristes, tenez-vous loin, Sabbath in the Suburbs pourrait vous inciter à vous arracher les cheveux. En revanche, les fans de Richard Cheese, qui a repris des classiques des années 1990 comme Creep, de Radiohead, et Closer, de NIN, en version piano-voix ironique sur Lounge Against the Machine, devraient tendre l'oreille. On ne comble pas ses envies de guitare électrique avec un disque comme ça, mais il permet d'acheter la paix et d'écouter du Ozzy avec la belle-famille!

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Sabbath In The Suburbs, The Lounge Tribute to Ozzy Osbourne & Black Sabbath, Vitamin Records / EMI

Une enfance sans eau bénite...

Mon père est «le prince des ténèbres» et semble désormais avoir un pâté au saumon à la place du cerveau. Ma mère est une capotée qui a un bon sens des affaires. Mon frère est un «mésadapté» social d'environ 16 ans qui joue au soldat en éventrant des boîtes de carton... Qui suis-je? Kelly Osbourne! Après s'être fait connaître dans la plus délirante série télé des dernières années, The Osbournes, la plus jeune fille d'Ozzy entame une carrière musicale. Son premier coup fumant fut une reprise de Papa Don't Preach et, aujourd'hui, elle s'offre un album complet sous la houlette de Rick Wake (J.Lo, Mariah Carey, Céline, Anastacia, etc). En voyant apparaître le disque et, surtout, son titre (Shut Up), on prévoyait déjà conclure en lui suggérant de se la fermer. Après écoute (un geste de prudence élémentaire dans ce métier), on trouve au contraire qu'elle ne s'en tire pas mal comme chanteuse punk-pop. Elle crache sa crise d'adolescence sur un ton salé-sucré. Une petite révolte calibrée pour la radio, même si elle est plus incisive qu'une Avril Lavigne, par exemple. Passeport pour une gloire... passagère?

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Kelly Osbourne, Shut Up, Epic / Sony

Les Pumpkins en concert... pour faire la passe

Lancée au milieu des années 90, la vidéocassette Vieuphoria se voulait une sorte de témoignage visuel des Pumpkins en concert. C'était dans la foulée de l'immense Siamese Dream de 1993, avant les robes, le look vampire et autres folies du passablement chiant Billy Corgan. Puisque les Fêtes approchent, et puisqu'il faut bien gratter les fonds de tiroir pour faire la passe, on nous offre ce triste Earphoria, qui n'est que le pendant audio de Vieuphoria. Rien de neuf pour les fans de la première heure... et rien de bon pour les plus récents convertis. Earphoria, c'est 15 titres live de 1989 à 1994, au son souvent brouillon, parfois carrément mauvais. Des titres qui ne rendent point justice à ce groupe qui était pourtant capable de grandes choses sur une scène. Certaines pièces, comme I Am One (enregistrée à Barcelone en 1993) se rapprochent du bootleg tellement la reproduction sonore est lamentable. Quelques morceaux viennent un peu sauver la mise, dont cette version acoustique fort intéressante de Cherub Rock.

* *
Smashing Pumpkins, Earphoria, Virgin

Hymne à la beauté du monde

En 1997, tout juste arrivée de son Venezuela natal, Soraya Benitez s'installait dans le métro montréalais pour le plaisir de chanter de sa belle voix chaude des chansons faites pour redonner courage et goût à la vie. Depuis, un premier album, Mujer, en 2001, l'a fait découvrir à ceux qui n'empruntent pas le transport en commun. À peine un an plus tard, voici son deuxième album, Vive, qui éclairerait le jour le plus sombre et la nuit la plus longue, tant il est pétri de ce petit quelque chose qu'on appelle la vie. En outre, Soraya Benitez a pu compter sur plus de moyens, et c'est donc appuyée par une équipe professionnelle et des musiciens de talent qu'elle chante ce qu'elle ne craint jamais de chanter: oui, la vie est courte, oui, la mort nous guette, oui, il faut donc en profiter au maximum, goûter chaque seconde et, surtout, remercier la vie elle-même de ce qu'elle nous accorde. Outre ses belles compositions en espagnol (écoutez Pedazos, magnifique!) et une jolie chanson en français, Soraya Benitez propose une version espagnole de Le coeur est un oiseau de Desjardins et surtout sa très, très belle interprétation de Gracias a la vida de Violeta Parra, hymne à la beauté du monde. Merci à la vie, merci à Soraya.

* * * 1/2
Soraya Benitez, Vive, Disques Bros

Un retour judicieux

Quand il a lancé l'album Unforgettable Songs, l'an dernier, la critique avait éreinté le pauvre Bob Walsh. Le bluesman avait alors amorcé un virage pop-jazz plus ou moins convaincant et l'on sentait qu'il était mal à l'aise avec des arrangements beaucoup trop mielleux. On est bien content que le vieux Bob retourne à ce qu'il fait de mieux avec Blues, où il a réuni plusieurs succès qu'il traîne depuis longtemps dans ses valises. Et cette fois, c'est parfaitement réussi. Dans un tout petit studio à Radio-Canada, avec ses vieux potes, les guitaristes Jimmy James, Steve Hill et GillesSioui, et l'harmoniciste Guy Bélanger, il s'attaque avec le talent qu'on lui connaît à de grands classiques du genre: la poignante House of the Rising Sun, Je voudrais être noir, de Nino Ferrer, livrée avec beaucoup de swing; et The Thrill is Gone. En guise de finale, le Turn the Page, de Bob Seger, vous donnera des frissons tellement l'interprétation est forte et sentie. Un vrai beau cadeau pour les fans du chanteur qui l'ont suivi fidèlement dans les bars.

* * * 1/2
Bob Walsh, Blues, Productions Bros. / DEP

Dans la continuité

Howard Shore voulait, quand il a composé la musique de The Lord of The Rings - The Fellowship of The Ring (pour laquelle il a remporté l'Oscar de la trame musicale), qu'en entendant son oeuvre les gens aient l'impression qu'il avait découvert cette partition dans une grotte et que, par magie, elle collait au film de Peter Jackson. Il a remporté son pari. Et il remet ça avec The Two Towers, en créant une musique qui est dans la continuité de la précédente: de la même manière que Peter Jackson voit sa trilogie comme un film de 10 heures, lui conçoit sa musique comme une pièce de 10 heures. Un disque destiné à ceux qui auront vu et aimé le long métrage, car il fait resurgir images, tensions, émotions. Quant aux paroles, composées dans les langues inventées par Tolkien, elles sont chantées par un choeur de 100 personnes - dont Enya ne fait pas partie...

* * * 1/2
The Lord of The Rings - The Two Towers, Howard Shore, Reprise / WMG Soundtracks

Le cinquième volet étire la sauce

Ces dernières années, le label Compost fut l'un de mes préférés, un des plus brillants: funk, jazz, samba, bossa nova, techno, drum'n'bass et autres styles y furent amalgamés de brillante façon. Et voilà que cette série brésilienne Glücklich signée Rainer Trüby, à mon sens l'un des plus talentueux DJ producteurs (et musiciens tout court) d'Europe, est complétée par un cinquième album. Et voilà que le concept de l'Allemand s'essouffle un tantinet. Comme la musique électronique en général, on a peine à regénérer le concept, à en créer de nouvelles variantes. Sauf exception, ce disque ne comporte pas de titres et remixages substantiels, on n'y découvre à peu près rien de ce qu'on a entendu précédemment. Si, toutefois, il s'agit du premier Glücklich de votre collection, vous aimerez. Au cinquième chapitre, l'impression est tout autre.

* * *
Glücklich, A Collection Of Brazilian Flavours From The Past and The Present, Compost / Fusion III



 



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